Air peut-être...
Par Saint Eloi Bidoung

Une légende eu la peau dure pendant longtemps dans ce pays: celle de ces aéronefs d'une compagnie aérienne nationale, dont on ne connaissait ni l'heure de départ ni l'heure d'arrivée.
Las d'attendre en vain ou de toujours arriver après le décollage pourtant prévu trois à quatre heure plus tard, les passagers avaient fini par baptiser cette compagnie aérienne nationale..."Air peut-être". La légende s'est dissipée aujourd'hui dans d'autres incertitudes plus urgentes de la vie sociale et politique du pays. Heureusement que, comme par une sorte de métastase, le "peut-être" a envahi toute la vie de la nation. Tout est dans le doute et l'incertitude. Aurions-nous de l'électricité au quartier ce soir et demain? Peut-être. Aurions-nous de l'eau potable dans le quartier dans un mois? Peut-être. Arriverai-je à la maison ce soir sans me faire agresser dans le taxi? Peut-être? Ce pays est-il toujours gouverné? Peut-être. Peut-être, peutêtre, peut-être.

Ce qui caractérisait "Air peut-être", c'est que l'on ne savait pas quand il vient,
quand il part; d'où il vient et où ira-t-il. On ne savait jamais si les bagages étaient restés à quai et dans quel tarmac du monde. Si jamais ils ne se perdait pas en plein vol. On ne pouvait pas savoir si les vols seront remplis à ras-bol pardon, à ras-bord ou s'il seront vides. Des fois, le kérosène s'épuisait en plein vol et l'appareil était obligé de se poser n'importe où, pour négocier des hectolitres pouvant lui permettre de continuer on ne savait jusqu'où. Un air de doute, air de confusion et air d'inquiétudes flottait dans l'air. Comme un air DPC (dépecé).

Quel était le plan de vol du RDPC lorsqu'il prenait son envol à Bamenda?
Personne ne s'en souvient. Sauf le pilote qui, comme le commandant de bord de "Air peut-être" d'antan, savait qu'il devait décoller ou atterrir, redécoller et atterrir à nouveau. Jusqu'au prochain crash. Le pilote du RDPC a toujours tenu les commandes par cette technique simple. On ne sait pas quand se tiendra le prochain congrès ordinaire. Peut-être dans dix ans. Les renouvellements des organes de base du parti auront-ils lieu? dans cinq ans Peut-être. Les militants membres du comité central aujourd'hui en prison, sont-ils toujours membres du parti? Peut-être. Un militant de base peut-il se porter candidat à la Présidence nationale du parti? Peut-être. Peut-on critiquer le parti y étant membre sans que cela nuise à sa santé. Peut-être.
Et d'autres questions se suivent, sous un air de "peut-être". Le Président national est-il toujours au courant de ce qui se passe à la base et dans les instances intermédiaires du parti? Peut-être. Le parti peut-il gagner des élections nationales sans bourrer les urnes? Peut-être. Les sous-préfets et les chefs de villages sont-ils obligés de falsifier les procès-verbaux des bureaux de vote? Peutêtre.

Sous un air de " peut-être" bien trempé, la flamme est ballottée à tout vent
depuis ses premières étincelles à Bamenda en 1986. De l'intérieur comme de
l'extérieur. Des progressistes et des caciques s'affrontent à coups de torches
enflammées, dans un couloir noir; les militants de tous les niveaux se battent
sur des braises pour les postes au sein du parti. Sans que l'on sache combien de temps cela durera. Comme au temps de l'historique "Air peut-être", nul ne sait quand. Peut-être.

L'éditorial

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